29.08.23
De Laura Plas
Danse avec les « harbres »
(…) Un véritable ovni surgi des profondeurs de la nuit de Nexon. Jani Nuutinen présente une réflexion sur la façon dont – exploitant la « nature », comme on dit qu’on exploite un esclave – nous nous tuons nous-mêmes. Sa pièce met en son cœur l’artisanat comme rapport aimant à la matière, aussi bien dans la façon de concevoir la scénographie, que dans celle de faire cirque. Ainsi peut-on voir dans la piste luisante une image de la terre noyée de substances mortifères.
(…) La proposition du Circo Aereo est en effet assez étrange pour qu’on se mette à rêver. La nuit déjà avancée, la fatigue aidant, sans compter une dramaturgie qui ose des moments de répétitions et de lenteur, créent quelque chose d’hypnotique. Si l’on décroche parfois, on prend dès lors la clé des songes. Parce que c’est précisément la résistance à l’interprétation qui fait l’épaisseur du spectacle. La surface opaque de la scène réfléchit nos troubles. Elle nous fait penser à celle dans laquelle s’abîment les amants de Under The Skin, de Jonathan Glazer.
Globalement la scénographie est belle. On sait le soin que Jani Nuutinen apporte à cette dimension dans ses créations. Elle est aussi sensuelle. Nous voici environnés de sons souvent effrayants, de lumières verdoyantes comme des ovnis ou des verres d’absinthe. On s’aventure de nuit dans l’épaisseur d’une forêt où se déroulent des faits étranges : rites païens, rencontres du troisième type. Il y a de toute cela à la fois.
Au centre du dispositif : l’« harbre ». Il est un interprète à part entière et nous nous identifions autant à lui qu’à l’être humain qui danse avec lui. Bras ouverts sur la nuit comme un Christ sur un promontoire, il porte les stigmates des clous que l’Homme lui a enfoncés. Qu’il soit mort ou vivant, il est saisissant. À côté de lui, l’Humain est minuscule. Il peut s’acharner en l’emprisonnant de cordes, en le faisant mâts de ses expéditions, poteau de ses supplices, arbre de sa propre pendaison.
L’arbre impose sa grandeur. Il ne reste qu’à changer d’approche, prendre de la hauteur. Ou plutôt de la grandeur ! Se faire oiseau peut-être ? La dramaturgie proposée entretient le mystère et crée des images surprenantes qu’on ne dévoilera pas, des chocs entre le mythe et la science-fiction, la technologie et la matière brute. Envoûtant.
25.08.23
Jani Nuutinen était interviewé par les étudiants du CNAC à l’occasion des représentations de HARBRE au festival Multi-Pistes à Nexon, organisé par le Sirque – Pôle National Cirque.
Il a ainsi pu partager les réflexions qui ont mené à la création de ce spectacle, mais également présenter l’ensemble du projet TRILOKIA, composé de trois spectacles : IO, HARBRE et FERFEU, qui verra le jour sous sa forme complète le 9 mai 2024 à nouveau à Nexon.
Bonne écoute !